Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Lettre de l'irradié : Médecine et radio-activité

4 mars 2012

SANTE ET FAIBLES DOSES DE RADIO-ACTIVITE (1)

 Les autorités françaises communiquent : "la radioactivité que génèrent nos centrales nucléaires est négligeable et sans effets sur la santé de la population". Regardons cela de plus près .

57 réacteurs nucléaires sont répartis sur tout le territoire français. Les 3/4 des Français vivent à moins de 75 Km d'une centrale nucléaire.

Toutes les centrales nucléaires en fonctionnement normal rejettent des effluents radioactifs, gazeux et

liquides. Deux exemples :

  • La centrale du Bugey (dans l'Ain, au bord du Rhône, près de Lyon-4 réacteurs de 900 MWe) a rejeté dans l'atmosphère en 2009 (chiffres EDF) 698 GBq de gaz rares, 642 GBq de tritium, 480 GBq de carbone 14, 66 MBq d'iode 131 et autres I radioactifs, etc... soit un total de 1820 GBq + effluents liquides dans le Rhône (autorisation de rejets liquides de 187 000 GBq, essentiellement tritium).

    (1 GigaBecquerel = 10 puissance 9 Bq)

  • L'usine de retraitement de La Hague rejette en mer près de 500 Tonnes d'effluents radioactifs liquides par jour (486 T par jour en 1994,chiffres COGEMA) , et bien sûr aussi de grandes quantités d'effluents gazeux, dont toujours beaucoup de tritium et de carbone 14 : 8 160 297 GBq en 1994 dont 8 090 000 de tritium.

Le tritium (période 12 ans, il faut 120 ans =10 périodes, pour s'en débarrasser), est de l'hydrogène, donc se retrouve dans l'eau (H2O), et est incorporé dans tous les organismes vivants; de même le carbone 14 (période 5700 ans). Les Iodes radioactifs sont incorporés dans la thyroïde, le césium 137 (période 30 ans donc 300 ans pour s'en débarrasser) dans les muscles et le coeur, le strontium 90 (période 29 ans) dans les os, le plutonium (période 24 000 ans) dans l'os, le foie, ...

 

Les effets de la radioactivité sur le vivant sont établis depuis longtemps : dès 1906 un bilan des cancers radio-induits fut réalisé, confirmé ensuite par de nombreuses études (Hiroshima, Nagasaki, médecins radiologues ...). Le risque mutagène fut noté en 1927 par H. Muller sur la drosophile. En 1950 le Dr A. Steward en Angleterre montrait que l'irradiation des femmes enceintes par rayons X (radios systématiques) conduisait chez l'enfant avant 10 ans, à une augmentation très significative des leucémies (avec un "pic" vers 3 ans) , et d'autres cancers (étalés dans le temps, sans pic décelable). Ce résultat, connu sous le nom d"étude d'Oxford", a, depuis, été confirmé par d'autres études dans le monde.

 

Les normes officielles de radioprotection ont été établies sur l'étude épidémiologique des survivants des bombes atomiques d' Hiroshima et Nagasaki [1][2]. Cette étude n'a débuté que 5 ans après le bombardement, donc sur des gens ayant survécu déjà 5 ans (biais statistique important !), à une irradiation externe, unique et importante, non mesurée (calculée approximativement en fonction de la distance où la personne se trouvait de la bombe lors de l'explosion): donc des conditions totalement différentes des conditions actuelles pour les personnes vivant à proximité des centrales : irradiation chronique, faible, externe et interne.

L'étude des 35 000 travailleurs de l'usine nucléaire de Hanford aux USA, par Mancuso et all. a été bien plus précise, avec des doses mesurées par dosimètre, sur des travailleurs robustes et en bonne santé (jeunes militaires embauchés après visite médicale stricte). Cette étude a comparé les doses reçues par les travailleurs décédés de cancers ou d'autres causes (accidents,...). Elle conclut, sans le moindre doute, à l'absence

d' innocuité de n'importe quelle dose, même extrêmement faible : toute dose est potentiellement dangereuse. Tous les cancers étaient concernés, mais surtout les cancers du poumon, du pancréas, et des organes hématopoïétiques. Le risque trouvé était dix fois supérieur à celui calculé par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique) [2].

 

Les connaissances sur les effets des faibles doses ont radicalement changé depuis Tchernobyl. Dans la compilation de 5000 articles étudiant les effets de l'accident chez les hommes, les animaux et les plantes [3], Yablokov a collecté un très grand nombre d'effets délétères sur la santé humaine depuis le faible poids de naissance au Pays de Galle corrélé à la radioactivité du sol (p.50), jusqu'à la surmortalité néonatale en Allemagne (p.195), en passant par l'augmentation des diabètes de type I chez les enfants et de type II chez les adultes, avec apparition plus précoce, avant 30 ans chez les "liquidateurs" (p.56), et d'évolution plus sévère (p.79-80), l'augmentation spectaculaire des cataractes, y compris néonatales, et même bilatérales (p.112 à 115), la baisse du Q.I. des enfants irradiés, déjà notée à Hiroshima, (p. 106), etc ...

Parmi les effets constatés, la sénescence accélérée de l'organisme : apparition des maladies du vieillissement plus précocement, athérosclérose, ostéoporose, atteinte de la paroi des vaisseaux sanguins, presbytie, déclin des capacités intellectuelles supérieures... aboutissant à une diminution de l'espérance de vie de 25 ans dans les zones les plus touchées. Les atteintes cardiovasculaires conduisent à des infarctus du myocarde et des AVC dès l'age de 10 ans.

La mortalité est augmentée (p.192) dès la première année , d'abord la mortalité foetale et néonatale (déjà notées lors des essais nucléaires dans l'atmosphère) augmente partout en Europe y compris grande Bretagne , Grèce, et Suisse (p.196-199). Puis celle des enfants, surtout par maladie du Système Nerveux Central (SNC) : les cancers du SNC sont nettement augmentés dès 1988 (p.183), et par malformations congénitales. Les adultes payent aussi un lourd tribut, par cancers évidemment, cancer du sein triplés dans les territoires fortement irradiés (p.182), colon, poumon, vessie, rein, pancréas ++, leucémies et lymphomes, ... (l'UNSCEAR* a listé 21 cancers pouvant être provoqués par l'irradiation). Au sein des groupes de "liquidateurs", la mortalité est importante dès l'age de 40 ans par cancers, mais surtout par maladies cardiovasculaires qui tuent plus que les cancers. En 2005 ,120 000 "liquidateurs" étaient décédés sur 800 000 (leur moyenne d'age en 1986 était de 33 ans). En tout, Yablokov, par extrapolation des données connues,estime la mortalité de Tchernobyl à 985 000 morts jusqu'en 2004. Des résultats similaires ont été obtenus par d'autres équipes, avec d'autres méthodes de calcul (Gofman, Bertell, CERI). Les statistiques de nombreuses maladies comparées entre territoires irradiés et territoires voisins sont reprises dans l'ouvrage du CERI [4] p.158et 159, avec la valeur de p .

 

Quels sont les mécanismes expliquant ces effets des faibles doses sur la santé humaine ? Le Comité Européen pour le Risque d'Irradiation (CERI) créé par le parlement européen[4], a explicité 4 types de dommages biologiques dus aux radiations :

  • ionisation directe des molécules (ADN, ...)avec altération de la molécule atteinte

  • destruction ou modification indirecte via les radicaux libres

  • modification directe via la transmutation d'un radio-isotope (par ex. l'hydrogène tritiée se transforme en hélium,...)

  • atteinte indirecte du génome cellulaire avec instabilité génomique, altération des processus de réparation, etc...

Outre les attaques directes par radicaux libres et transmutation, il y a aussi des atteintes secondaires par membranes cellulaires endommagées, enzymes de réparation rendues inefficaces.

 

De très petites doses de radiations peuvent avoir un effet important : la désintégration d'un seul atome de césium 137 émettant 650 keV est suffisante pour rompre 65 000 liaisons d'une grosse molécule (type ADN, ARN,...). Pour 100 électrons volts d'énergie absorbée, quatre molécules d'eau sont séparées en radicaux libres OH' et H', avec présence d'un électron libre pour chacun, ce qui les rend très réactifs : ils peuvent réagir avec de grosses molécules entraînant leur modification et la destruction de leur activité biologique.

La rupture d'une liaison chimique peut s'accompagner d'une libération d'électrons qui peuvent eux-mêmes occasionner d'autres ruptures, et ainsi de suite...

En conclusion de son travail, le Comité CERI recommande que la dose maximale admissible pour le public par rejet d'isotopes, reste au dessous de 0,1 mSv, donc un niveau d'exposition nettement inférieur à celui recommandé par la CIPR. De même, pour les travailleurs du secteur nucléaire, cette valeur devrait être à 5 mSv.

Le Comité recommande que tous les dommages à la santé soient pris en compte dans des expositions et que les droits des enfants à naître soient considérés comme équivalents à ceux des personnes vivantes. Les droits de tous les individus doivent être respectés sur des bases égalitaires. Les effets sur toutes les formes de vie doivent être pris en considération. [à suivre]

NucléaireNonMerci65 contacts : nucleairenonmerci@laposte.net

 

[1] in "les faibles doses" de R. Belbéoch, scientifique du GSIEN  

 

[2] in "la gazette nucléaire"N°30 l'étude de Mancuso est bien détaillée. Consultable sur

http://resosol.org/Gazette/1979/30p03.html

[3] "Chernobyl consequences of the catastrophe for people and the environment" publié par les annales de

l'académie des sciences de New York Vol. 181, téléchargeable sur : www.strahlentelex.de/Yablokov

%20Chernobyl%20book.pdf

[4] Recommandations 2003 du CERI - Ed. Frison Roche 2004, toujours disponible

* UNSCEAR : United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation

Publicité
Publicité
La Lettre de l'irradié : Médecine et radio-activité
  • MEDECINE ET RADIO-ACTIVITE Un éclairage scientifique sur les effets de la radio-activité artificielle sur la santé humaine... Et aussi à l'occasion de la radio-activité naturelle, des plantes et des animaux.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 61
Publicité